La symphonie irénéenne, ou comment tout récapituler dans le Christ. 

Le Père François-Marie Léthel, carme, est venu donner une session du 20 au 24 mars, sur la grande synthèse théologique écrite par saint Irénée au IIème siècle, véritable « symphonie du Salut »1 pour mieux percevoir la merveilleuse harmonie de tout le Mystère. 

C’est avec son enthousiasme et sa joie caractéristiques – soulignées d’ailleurs par le Pape Benoît XVI au terme de la fameuse retraite de Carême 2011 prêchée à la curie romaine – que le Père Léthel a fait entrer les participants de cette session dans la plus longue des deux œuvres de saint Irénée parvenues jusqu’à nous : Contre les hérésies. Pour le frère carme, rien n’en vaut la lecture pour voir comment la vérité et la beauté de la foi catholique peuvent être enseignées et défendues dans un milieu hostile. Ce milieu hostile est celui de l’hérésie gnostique qui, à force de répudier l’œuvre créatrice et le divin Ouvrier, ne perçoit plus l’harmonie de l’Écriture, ni son unité symphonique ; les hérétiques en arrivent ainsi au rejet de l’Ancien Testament dans sa totalité ou de certains textes du Nouveau Testament. C’est dans un tel contexte qu’Irénée va faire preuve d’une « sainte polémique », véritable charisme pour dénoncer et réfuter les erreurs tout en désignant la lumière de la Vérité. Ainsi, à travers une vision ample et grandiose qui enveloppe toute l’économie du Salut, Irénée va faire résonner – dans l’Église et par elle – la divine symphonie qui provient tout à la fois de l’œuvre de Dieu Créateur et de l’Écriture Sainte inspirée par Dieu.  

Dans l’œuvre de Dieu – de la Création à la Rédemption en passant par l’Incarnation – il n’y a pas un mystère de la foi chrétienne qui ne soit dépendant du Verbe Incarné. C’est ce qu’Irénée va mettre en valeur dans sa théologie : la récapitulation de toute l’humanité dans le Christ nouvel Adam. Pour faire percevoir toute la richesse et la profondeur de ce thème, le Père Léthel a présenté des schémas qui sont comme la partition musicale de la théologie symphonique de saint Irénée. Ces schémas font ressortir les deux grands points de vue inséparables sur le Mystère : le modelage et la liberté. Le modelage, c’est ce que Dieu fait pour l’homme, de la Création à la Résurrection ; et, comme un véritable artiste, Dieu modèle son ouvrage au moyen de ses deux mains, « c’est-à-dire par le Fils et l’Esprit »2. Quant à la liberté, c’est la part de l’homme établi par Dieu dans un mystère d’Alliance où l’homme peut persévérer librement et par amour. Et nous ne savons que trop ce que l’homme a fait de sa liberté : par sa désobéissance, c’est-à-dire par le péché, la mort est entrée dans le monde. Et c’est par son obéissance que le Nouvel Adam va récapituler la désobéissance du premier Adam. 

Le cœur est bien l’Incarnation : depuis l’Incarnation, Irénée remonte à la Création, puis il descend vers la Passion/Résurrection. Le centre de tout, c’est Jésus, le Verbe incarné, Nouvel Adam, et, avec lui, Marie, Nouvelle Ève, mais aussi Nouvelle Terre de laquelle fut modelé le Nouvel Adam.     Le Père Léthel a invité les étudiants à écouter la symphonie de saint Irénée dans la « cathédrale gothique » de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin. Si saint Thomas n’a pas connu la théologie de saint Irénée, il a cependant, comme lui, communié intensément à l’unique source, Jésus, dans le même Esprit Saint. Au cours des siècles, les voix des saints chantent une même mélodie avec des accents différents et toujours nouveaux : la théologie des saints est une véritable « polyphonie » qui fait mieux percevoir l’harmonie de tout le Mystère. 

Cet espace ecclésial restant toujours ouvert à de nouvelles voix, le Père Léthel n’a pas hésité à parler de la famille Ulma, en voie de béatification, une famille catholique polonaise massacrée en 1944, les parents et leurs sept enfants, le septième étant encore dans le sein maternel. Ce dernier élément, sûrement le plus inédit, est rapproché par le Père Léthel du récit de la Visitation, « lorsque Jésus, déjà présent et vivant dans le sein de Marie, sanctifie Jean-Baptiste dans le sein d'Élisabeth. Selon les mots de saint Irénée de Lyon, l'Incarnation du Fils de Dieu est véritablement “la récapitulation de la longue histoire des hommes”, de tous et de chacun en particulier, depuis l'instant de sa conception. Avant la naissance et avant le baptême, Jésus s'unit déjà à tout être humain comme son Créateur et son Sauveur. » 

Fr. Jean-Mariam de l'Enfant Jésus o.c.d.